L’IA ne se contente plus de prédire la structure des protéines ou d’accélérer l’analyse de données biologiques. Une nouvelle génération d’acteurs ambitionne désormais d’inventer la biologie de demain. Parmi eux, Profluent, une jeune pousse californienne, vient de réaliser l’une des levées de fonds les plus importantes du secteur : 106 millions de dollars pour développer des frontier AI models capables de concevoir, optimiser et tester des protéines entièrement nouvelles.
Cette annonce marque une étape décisive : la transition entre une IA « descriptive » de la biologie… vers une IA « créative » capable de designer le vivant. Et Profluent compte bien prendre la tête de cette révolution.
Profluent cette jeune start-up est déjà incontournable
Fondée en 2022 à Emeryville (Californie), Profluent repose sur une idée simple mais révolutionnaire :
utiliser l’IA à grande échelle pour créer des protéines qui n’existent pas dans la nature, mais qui pourraient résoudre des problèmes majeurs dans la santé, l’agriculture et l’industrie.
L’entreprise se distingue par trois éléments structurants :
1. Une approche “IA + wet lab” intégrée
Profluent ne se contente pas de générer des séquences. Elle conçoit des protéines via IA, les produit dans son laboratoire robotisé. Puis les teste immédiatement pour valider structure, stabilité, fonction ou toxicité. C’est un pipeline fermé, rapide, où chaque génération nourrit le modèle suivant.
2. Une vision : faire de la biologie un domaine programmable
L’objectif affiché : donner à la biologie la même fluidité que l’informatique.
Au lieu de chercher des molécules dans la nature, Profluent veut permettre aux chercheurs d’écrire du code biologique, généré par IA, pour obtenir la fonction désirée.
3. Une croissance fulgurante
Avec sa levée de 106 M$ (novembre 2025), co-financée par Altimeter Capital et Bezos Expeditions, Profluent dépasse désormais les 150 M$ de financements cumulés, un montant exceptionnel pour une start-up aussi jeune.
Objectif de cette levée : industrialiser ses frontier AI models, augmenter la précision de ses prédictions et accélérer les applications thérapeutiques.
Que sont les “frontier AI models” appliqués à la biologie ?
Inspirés des modèles géants comme GPT-4, Gemini ou LLaMA, ces modèles sont entraînés sur des milliards de séquences et structures protéiques. Leur rôle est de générer des protéines totalement nouvelles, optimiser plusieurs propriétés (stabilité, affinité, immunogénicité…). Prédire leur comportement avant même leur fabrication. Mais surtout concevoir des molécules impossibles à imaginer avec la biologie classique.
Les frontier models appliqués au vivant reposent sur :
- des réseaux neuronaux massifs,
- des architectures multimodales comprenant séquences + structures 3D,
- des modèles thermodynamiques intégrés,
- et un apprentissage auto-supervisé sur des banques biologiques globales.
Profluent se trouve parmi les leaders mondiaux de cette technologie émergente.
À quoi servent ces modèles ? Les applications concrètes
Les frontier AI models développés par Profluent ouvrent des perspectives immenses :
1. Conception d’anticorps thérapeutiques : Optimisés pour l’affinité, la stabilité et la neutralisation virale.
2. Développement de nouveaux éditeurs génétiques : Des CRISPR entièrement réinventés, moins immunogènes, plus ciblés, plus sûrs.
3. Protéines enzymatiques pour industrie et environnement : Dégradation du plastique, capture du carbone, catalyse chimique propre.
4. Vaccins de nouvelle génération : Antigènes sur mesure, générés puis validés par l’IA.
Cette rupture réduit drastiquement :
- les coûts de R&D,
- les cycles d’essai-erreur longs et coûteux,
- et les années nécessaires à la conception de nouveaux médicaments.
Où se situe Profluent face aux autres géants de l’IA biologique ?
Le secteur est en pleine effervescence. Si on devait comparer Profluent avec ses principaux concurrents :
| Entreprise | Positionnement | Forces | Limites |
|---|---|---|---|
| Profluent | Design de protéines de novo avec frontier AI | Agilité, pipeline IA→lab intégré, génération immédiate | Start-up jeune, moins de temps de validation clinique |
| Isomorphic Labs (Alphabet/DeepMind) | Prédiction structurelle & découverte médicamenteuse (AlphaFold) | Ressources massives, données, réputation | Plus orientée “prédiction” que “création” |
| Recursion Pharmaceuticals | IA & robotique pour screening cellulaire | Richesse de données expérimentales, automatisation forte | Pas centré sur le design de novo |
| BenevolentAI | IA & knowledge-graph pour découverte de cibles | Très fort en analyse de données cliniques | Moins axé protéines inédites |
En clair :
- Profluent est aujourd’hui le leader naturel du design protéique génératif.
- DeepMind reste la référence de la prédiction structurelle.
- Recursion domine l’analyse d’images biologiques massives.
- BenevolentAI excelle dans la compréhension mécanistique et les cibles thérapeutiques.
Profluent occupe l’espace le plus ambitieux : créer de nouvelles briques du vivant.
Que va changer la levée de fonds de 106 M$ ?
Cette levée transforme Profluent en un acteur capable d’entraîner des modèles encore plus grands, d’augmenter ses bases de données multi-modalité (séquences + structures + wet-lab). De déployer son pipeline IA-à-expérimentation à grande échelle. Elle va aider à accélérer ses collaborations pharmaceutiques et enfin à se positionner comme leader du design biologique mondial.
Pour une start-up fondée en 2022, cette trajectoire est exceptionnelle !
Défis et enjeux à venir
Malgré son potentiel, plusieurs défis demeurent, comme la validation expérimentale et clinique solide, des contraintes réglementaires sur les protéines nouvelles. Les risques bioéthiques (modification du vivant). Sans oublier l’industrialisation des modèles à grande échelle et l’adoption par l’industrie pharmaceutique. La route est longue, mais l’ambition est claire : créer les outils biologiques de demain.
Avec 106 M$ fraîchement levés et une vision révolutionnaire de la biologie programmable, Profluent s’impose comme l’un des acteurs les plus prometteurs de la biotech moderne.
Si la première vague d’IA a permis de décrire le vivant, la seconde — incarnée par Profluent, pourrait permettre de le créer.
Et cette rupture pourrait redéfinir la médecine, l’agriculture, l’industrie et l’environnement pour les décennies à venir.